
Il sèche les cours depuis bientôt une semaine et il a presque dépensé toutes ses ressources. Il pense à ça sur le canapé vermeil d'une fête parisienne, aux couleurs vives de printemps.
Derrière ses lunettes aux branches noires une jolie blonde lui parle depuis bien 10mn.
« Les filles... »
Le jeune garçon à l'âme sombre se lève
Canal St Martin.
Ils sont 5.
De races et de couleurs différentes, ils n'aiment pas les jeunes issus de quartiers aisés. Une haine non partagée jusqu'alors.
« Ton I pod, ton portable ! Tu bouges, j'te plante »
Sa musique...
« Petite princesse, ma beauté ma promesse.
Ma petite faiblesse, ma plus belle histoire de fesses,
Dans la Mercedes, c'est de l'espoir que je caresse... »
Les coups vont vite... les images s'enchainent, fugaces, comme si le temps n'avait plus d'emprise sur les adolescents.
Ses reflexes sont machinaux. Le lycéen n'a que peux étudié la boxe mais en ressort ce qu'il sait.
A chaque impact sur ses poings endoloris, il se sent un peu plus en vie. L'adrénaline fait de lui son esclave, elle devient sa dope... Il tremble.
Trop perdu pour avoir peur, pas assez vivant pour ressentir la moindre émotion... juste ce sentiment d'excitation qu'il ne peut plus contenir, toute cette rage qui le dépasse.
Ses yeux gris se posent sur tour à tour sur les deux jeunes déjà sonnés puis se perdent dans le ciel.
A Paris, le ciel est noir.
Pas d'étoiles.
Les autres voient les étoiles... lui rien.
C'est pourtant le même ciel.
Immense, infini.
Et dans cet océan de l'envers, rien...
Un grand rien, un non-dit.
Aucune chance de revenir en arrière...
Aucune chance de rédemption.
Même le noir du ciel est éclairé par les lumières de la ville.
Un noir délavé.
Délavé comme les yeux des ces filles.
Délavé comme les cœurs de ces lycéens.
Et la Tour Eiffel, éteinte. Qu'elle est belle la dame de fer dans son manteau de brume noir.
Il n'a pas plu depuis trois jours mais l'air est encore doux et humide. Cet air qui inspire au jeune homme le plus grand bien-être. Cet air artificiel, l'air de la capitale.
Son seul véritable amour.
Il est seul, tout seul, cet air qui passe entre ses mèches noires et qui glisse sur sa peau, c'est sa madeleine de Proust.
Le coup lui démonte presque la mâchoire.
Le policier range sa matraque.
« Allez relève toi on va au poste... »
Longues sont les nuits de Paris.