
Elle marche vers lui d'un pas précipité.
Il ne la voit pas venir. Il ne veut pas. Il ferme les yeux et attend le choc.
Adossé contre le mur gris de son lycée, il essai de discerner le claquement des talons noirs qui résonnent à travers la foule.
Il allume une Lucky... peu importe.
Il pense, il se souvient...
Son père qui se retourne pour couvrir d'un regard protecteur le petit endormi...
L'Audi noire qui fonce à une centaine de kilomètre/heure et qui tente de doubler à gauche...
L'énorme claque qu'il reçoit le fait tituber pendant 5 bonnes secondes.
Elle le prend par le col et le plaque contre le bâtiment...
La cigarette et toujours là, plantée entre ses lèvres...
Il lève les yeux au ciel.
Le ciel… il n'a jamais été aussi beau.
Elle cogne contre son épaule, son mascara perle lentement aux coins de ses yeux, lui qui ne supporte pas l'eau salée.
Les nuages... Juste être un nuage...
L’incident commence à attirer quelques regards. Vagues chuchotements :
« C'est pas Amandine ? Qu'est-ce qu'il a foutu cet abruti ? »
Elle s'est calmée... sa tête baissée laisse découvrir sa nuque...
Il ne regarde pas... toujours ce ciel...
Elle lui met un papier dans le creux de la main...
Sûrement le dernier mot qu'il lui ait écrit... sans tristesse ni remords...
Il ne l'a pas senti partir... il se baisse enfin pour ramasser le bout de papier lassé tombé sur le trottoir.
Il allume une autre cigarette. Il sait ce qu'il va lire...
Il le parcoure une nouvelle fois, ce papier qu’il croit être un papier de séparation, sur lequel elle lui dira combien elle le déteste...
Ce papier bleu cobalt sur lequel il lui avait dit tant de fois je t'aime.
« Il est 5 heures...
Je quitte nos draps trempés de sueur.
De ma main, j'effleure ta peau.
Je pense déjà à tes prochains sanglots.
Il fait encore nuit.
Et rares se font les bruits.
Tu es tournée vers la fenêtre.
Tu es tous ce que je ne pourrais jamais être.
Je m'en vais bien avant l'heure...
Je m'en vais bien avant de te trahir...
Je m'en vais en gardant toute ton odeur...
Je m'en vais avant que l'on ne puisse en rire...
Je m'habille en te regardant dormir.
Je songe en te regardant sourire.
Je décapsule une blonde, une alliée.
Je bois modérément... déjà presque enivré.
En refermant la porte du frigo,
Je jette un regard à nos vieilles photos.
Tous nos exploits... Passés.
Tout ce bonheur... Envolé.
Je m'en vais car l'on s'est vus volés...
Je m'en vais avant que l'on ne puisse atterrir...
Je m'en vais car l'on s'est tant aimés...
Je m'en vais bien avant de te détruire...
Je reste de longues minutes, assis.
Sur la vieille chaise en bois rougit.
Je t'observe... lassé.
J’espère que de ton coté,
Jamais tu ne puisses m'oublier.
Jamais comme je l'aie fait.
Je n'espère jamais, une autre vraiment trahir.
Je n'espère jamais un autre jour vraiment partir.
Je m'en vais en croyant que tout est vrai...
Je m'en vais avant de te découvrir...
Je m'en vais avant que l’on ne se laisse aller...
Je m'en vais bien avant de te trahir...
Je pense en écoutant, derrière moi, la porte claquer.
Je pense qu'il faudra tout recommencer.
Je pense dans la cage d'escalier.
Que c'est du mauvais bateau que je me suis jeté.
Je n'ai aimé que toi...
Je t'embrasse jusqu'à en mourir...
Je n'ai aimé que toi...
Je t'embrasse jusqu'à en mourir...
Je m'en vais pour tout recommencer...
Je m'en vais pour ne jamais m'assagir...
Je m'en vais car tout est si léger...
Je m'en vais en te regardant dormir...
Je m'en vais pour ne jamais t'oublier...
Je m'en vais sans même te l'écrire...»
Il pense à déchirer la feuille... La plie, la range.
Il a encore tout faux...